LEWIS (P. W.)

LEWIS (P. W.)
LEWIS (P. W.)

LEWIS PERCY WYNDHAM (1882-1957)

Né en 1882 sur le yacht paternel, Percy Wyndham Lewis fut ainsi canadien par proximité géographique, avant de devenir le plus cosmopolite des artistes de culture anglaise. Vers les vingt-neuf ans on lui connaît un premier style personnel — des personnages insubstantiels et boursouflés. Mais il a aussi commencé à écrire des contes sur les «corps sauvages» rencontrés en Bretagne. Celui qui sera dans son pays le plus grand peintre de son époque et l’un des plus grands écrivains, n’est pas plus facile à classer qu’un Italien de la Renaissance. Son génie est d’un visuel parfois visionnaire, doué d’un pouvoir d’expression exceptionnel.

Wyndham Lewis fut le plus intellectuel des artistes. À Paris il suivit les cours de Bergson dont il renia très vite le vitalisme, tandis qu’il retenait à jamais la théorie du comique qui viendrait de ce qu’on voit un automate conditionné là où on attend un individu autonome. Il s’intéressa surtout de très près aux penseurs de droite violemment anti-romantiques et néo-classiques, Massis, Lasserre, qui l’influenceront et qui seront relayés par un jeune théoricien anglais, T. E. Hulme. Lewis subit aussi l’ascendant de Nietzsche qui colore d’arrogance le protagoniste de Tarr (1914-1918). Mais il fut plus durablement sensible au pessimisme de Schopenhauer qui l’invite à tenir l’existence à l’écart et, la vivant comme spectacle, à privilégier l’art.

Ses débuts publics en peinture sont liés au grand projet de «trouver un langage visuel aussi abstrait que la musique». Comment sa très forte abstraction s’imprégna-t-elle de dynamisme? Il est difficile de dire à quel moment il rencontra le futurisme — le Manifeste de la peinture futuriste de Boccioni est de 1910 —, mais la clameur de Marinetti datait déjà d’un an.

Désormais, l’art comme la vie devaient s’élancer vers l’avenir à la vitesse des machines. Balayé par ce dynamisme, le beau comme fondement esthétique n’avait plus cours. Tout sera donc lignes en mouvement, intersections dynamiques de plans, élan vital dans les Études pour une kermesse (1912) ou surtout les vingt Compositions pour Timon d’Athènes (1913-1914). Le frontispice même qui présente cet ensemble avec un fracas typographique de grandes capitales est clairement dans le style marinettiste. C’est en futuriste anglais que Wyndham Lewis accueille Marinetti à Londres en 1913 et 1914. Le relais français de Guillaume Apollinaire s’ajoutera à l’apport direct déjà contesté pour inspirer le chœur exclamatif de bénédictions et de malédictions de Blast! (1914).

En effet, dès le milieu de l’année 1914 la rupture est intervenue. Le culte des machines est une naïveté méridionale. Le dynamisme pictural ainsi conçu est une fuite en avant qui traîne en outre avec soi des relents d’impressionnisme. Wyndham Lewis veut avoir son mouvement à lui et vise plus profond. Soutenu par Ezra Pound qui trouve le mot, il crée le «vorticisme», dans lequel le dynamisme se veut une concentration d’énergie à la pointe immobile du tourbillon («vortex»). Plusieurs artistes de talent se joignirent au mouvement qui ne survécut pas à la guerre. La paix venue, une discipline formelle inflexible permettra à Lewis de passer d’une abstraction toujours imaginative à un réalisme raffiné et de devenir le plus grand peintre anglais de portraits du siècle (Ezra Pound, T. S. Eliot, Edith Sitwell). Son art s’élève à une haute vision essentialiste dans un tableau tel que La Reddition de Barcelone (1937), jaillissement vertical de tours qui enserrent, tout en bas, des formes d’armures qui ne contiennent rien de vivant. Lewis arrive là au terme d’une distorsion des formes de l’humain en un système de courbes et d’inflexions qu’accompagne la création insolente de races.

Tout remonte à l’insistante affirmation du comique bergsonien: ce qu’il avait pris pour des êtres vivants, ce sont des marionnettes. Le sentiment de l’absurde lui vient de cette révélation de l’homme-machine. Désormais l’obsession de la marionnette se retrouvera dans tout son art, et dès le premier roman, Tarr , commencé en 1914, avec la gestuelle absurde de Kreisler entre autres, qui alimente la comédie noire.

En face du commun, mais plus encore de l’intelligentsia, Wyndham Lewis sera par lui-même proclamé l’«Ennemi». Déjà, en 1914, l’«Ennemi des étoiles» s’oppose fatalement à l’ordre des choses et à la mort, dans un écrit dont l’écrivain ne retrouvera plus l’audace visionnaire ni le style de violente avant-garde. De cette surréalité nourrie et presque encombrée d’images, il fera la substance de son immense suite commencée en 1928 avec The Childermass , et qui rapporte les aventures de deux personnages outre-vie et outre-monde.

En opposition à l’humeur et aux modes de son temps — voué au psychologisme, à l’intériorité, à toutes les formes de la temporalité —, Lewis dira que «l’art pour être valable ne doit pas avoir d’intériorité», que seule compte la surface des choses. Il écrit en 1927 un considérable traité de philosophie critique, Time and Western Man , sur cette obsession du temps. Il est en avance de plusieurs générations avec sa ré-assertion de l’espace, son retour au regard. Ses trois grands romans, Tarr (1918), Revenge for Love (1937), Self-Condemned (1954) sont avant tout une série de scènes mémorables — certaines inoubliables.

Au grotesque de surface correspond un fond de satire, dont Lewis ne fait pas mystère. Sur l’intelligentsia londonienne et ses fausses valeurs, il écrit The Apes of God (1930). La verve est énorme, les figures cruellement reconnaissables, et les victimes n’ont pas pardonné. Wyndham Lewis s’est retrouvé très seul. Son anticommunisme lui a donné la vision clairvoyante d’une machine inhumaine cachant partout dans ses doubles fonds la destruction et la mort. Mais le choix de la discipline fasciste le mit du mauvais côté et le condamna à l’exil. Revenu en 1948, le peintre devint aveugle en 1951. Persistant jusqu’au dernier jour, l’écrivain mourut en 1957.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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